Nioussérê Kalala OMOTUNDE
Co-fondateur de l'institut d'histoire Anyjart
Diopien, Écrivain, Conférencier, Chercheur en histoire, Égyptologue, Co-fondateur de l’Association Anyjart, Spécialiste des Humanités Classiques Africaines, Spécialiste des Sciences et Mathématiques Africaines.
À l’international, il a contribué à la création de nouvelles associations autour des Humanités Classiques Africaines : Martinique, Guyane, Haïti, Canada et de nombreux autres projets.
Ce fervent défenseur des Humanités Classiques Africaines a contribué à « faire mieux connaître notre culture ancestrale et à apprécier ses liens avec notre modernité ».
C’est aussi un brillant enseignant qui a su traduire dans un langage accessible des textes hautement
scientifiques, souvent issus d’écrits antiques. « Son approche méthodologique est respectueuse des travaux initiés par les professeurs Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga, dans une démarche objective et humaniste ».
Il a utilisé « une documentation universelle telle des fouilles archéologiques, des datations, des testaments d’auteurs anciens, etc. ».
L'origine du mot "Pharaon" est-elle africaine ?
Les Africains anciens connaissaient-ils le terme "Pharaon" et l'ont-ils utilisé à leur époque ? Telle est la question que pose ici l'auteur à qui nous cédons la parole.
Dans de nombreux documentaires, films, ouvrages pour le grand public, il n’est pas rare de voir les rois d’Egypte appelés «pharaons». Ils sont même interpellés par ce titre: «ô pharaon»… Cela semble dès lors évident que le titre «pharaon» servait à nommer les rois d’Egypte.
Per-aa: le grand palais
Pourtant, la réalité n’est pas aussi simple. Le substantif «pharaon» est un nom grec. Il dérive du substantif égyptien: per-aa qui désignait le palais. Per signifiait le domaine, le lieu; et aa signifiait grand. Per-aa était donc le grand palais (..).
Du bâtiment au roi
Per-aa désignait donc, dans un premier temps, le palais royal (le bâtiment). A partir du Nouvel Empire, il prit un sens plus large et désigna le roi lui-même.
Aujourd’hui encore, ce type d’amalgame existe: «l’Elysée a décidé…»; «c’est une décision du Quai d’Orsay»; «Buckingham a donné son accord»…
Même de nos jours, on ne s’adresse pas au ministre ou au chef d’Etat en utilisant le nom du lieu. A titre d’exemple, un journaliste dira «M. le Président», «Votre majesté» ou encore «M. le ministre . Personne n’interpellera la reine d’Angleterre en disant «Buckingham»! Il en allait de même en Egypte.
Per-aa ne faisait pas partie des titres des rois du Nouvel Empire. Le roi était appelé Horus ou Nézout (ou Nésou selon certains). Ce dernier terme se traduit par roi.
Il pouvait être accompagné d’épithètes. Souvent, un roi était qualifié de «roi de Haute et de Basse Egypte».
Un titre royal de Taharqa à Néron
A partir du règne de Taharqa (vers - 609 à -664), avant dernier roi de la XXVe dynastie, le terme per-aa fut inséré dans un cartouche. Il devint donc un titre royal. Cette pratique se généralisa au début de l’époque romaine. Elle s’arrêta assez tôt, après le règne de Néron, en 68 de l'ère chrétienne.
C'est lors de l’arrivée massive de mercenaires et marchands grecs durant la XXVIe dynastie (-672 à -525) que naquit le terme pharaon.
Mais, même les Ptolémées, ces rois macédoniens qui régnèrent sur l’Egypte de -305 à -30 et qui parlaient grec, employèrent relativement peu le titre per-aa.
Ainsi seuls les empereurs romains Auguste, Tibère, Caligula, Claude et Néron firent graver de nombreux cartouches contenant le terme «Grand Palais».
Et les vizirs ?
Chéops, Mykérinos, Touthmosis, Hatchepsout, Amenhotep III, Akhénaton ou Ramsès II ne furent donc pas des «pharaons».
Jamais ils ne furent nommés de la sorte !
Même si de nombreux auteurs et écrivains désignent les rois d’Egypte comme des pharaons, il s’agit très souvent d’anachronismes.
Le vocabulaire égyptologique est souvent complexe et il faut le manier avec prudence.
Outre pharaon, le substantif vizir est lui aussi d’origine étrangère. Cette fois, il s’agit d’un nom d’origine turque.
En égyptien (africain ancien), le mot Vizir se lisait Taïty zab tjaty.
Rédigé par Sébastien Polet.